Post image for Drôle… ou pas?

Drôle… ou pas?

by Marie-Josée Bettez

Par Marie-Josée Bettez

Le film d’animation Pierre Lapin, qui a pris l’affiche il y a quelques jours, est au cœur d’une petite tempête médiatique. Une scène en particulier pose problème : un personnage y est la cible d’une attaque au cours de laquelle il est bombardé de mûres, un fruit auquel il est allergique. L’objectif – susciter une réaction anaphylactique – est atteint et l’auto-injecteur d’épinéphrine doit être administré.

La scène a causé beaucoup d’émoi et de colère. Des parents d’enfants allergiques et des associations de personnes souffrant d’allergies alimentaires ont protesté. Certains ont même appelé au boycott du film. Les échanges sur les médias sociaux se sont enflammés, les médias traditionnels s’en sont mêlés.

Finalement, le producteur Sony Pictures s’est excusé et a déclaré que le film n’aurait pas dû traiter avec légèreté du cas d’une personne ayant une allergie alimentaire, même d’une manière « loufoque ».

Élever le débat

À travers tout le brouhaha et la cacophonie créés par cette nouvelle controverse, une voix s’est élevée pour relever le niveau du débat. Cette voix, c’est celle de l’association américaine Food Allergy Research & Education (FARE) qui a émis un communiqué éloquent et solidement étayé, signé par plusieurs médecins spécialistes. Reconnaissant que l’intrigue en question est fictive et tellement exagérée que personne ne devrait la prendre au sérieux, les signataires soulignent que le traitement cavalier accordé aux allergies alimentaires dans de nombreux films et séries télévisées représente néanmoins un problème majeur qui peut avoir un impact néfaste sur la communauté allergique.

Deux études récentes sont citées pour appuyer cette affirmation.

La première, qui date de 2016, a été publiée dans le journal Health Communications. Les chercheurs ont analysé 115 films et émissions de télévision faisant référence aux allergies alimentaires. Dans près de 60% des cas étudiés, cette condition médicale était traitée de façon humoristique et plutôt désinvolte. L’information transmise était souvent inexacte et la gravité des allergies alimentaires était généralement minimisée.

Dans le cadre de la seconde étude, des étudiants de niveau universitaires ont été invités à visionner des épisodes d’une série télévisée humoristique. On a montré à certains un épisode traitant avec légèreté d’une réaction allergique grave tandis que les autres ont vu un épisode de la même série sans aucune référence aux allergies. Le résultat ? Les membres du premier groupe étaient, par la suite, plus réticents que ceux du second groupe à appuyer des mesures visant à créer un environnement sécuritaire pour les écoliers ayant des allergies alimentaires.

Effets pervers

Je sais bien qu’il est difficile, de nos jours, de faire de l’humour sans heurter un groupe d’intérêt.

Cela dit… on ne peut nier les effets potentiellement pervers d’un certain traitement humoristique des allergies alimentaires à la télévision et sur grand écran. Sans recourir au boycott ou à la censure, il est essentiel que des voix – crédibles, mesurées, informées – s’élèvent au nom des personnes allergiques pour remettre les pendules à l’heure et rétablir l’équilibre lorsqu’il y a des dérapages.

Et vous ? Vous en pensez quoi ?

Marie-Josée BettezRédactrice en chef du site dejouerlesallergies.com depuis 2003, Marie-Josée Bettez a publié trois livres, dont le best-seller Déjouer les allergies alimentaires. Elle donne régulièrement des conférences sur la gestion des allergies alimentaires à la maison et en milieu de garde. En savoir plus >>.

Rédaction : février 2018

Vous avez aimé ce texte? Pour être avisé de nos dernières trouvailles, inscrivez-vous à notre infolettre gratuite. Suivez également Déjouer les allergies sur Facebook, Twitter, Pinterest et YouTube.

{ 5 commentaires }

Imprimer cet article Imprimer cet article

{ 5 comments… read them below or add one }

Mélissa February 16, 2018 at 17 h 33 min

Bonjour
Je suis moi-même poly allergique et j’au Vu le film avec mes enfants. Évidemment, le sujet est traité avec un humour choquant… par contre, c’était La première fois que je voyais l’adminost ration de l’epipen De façon assez juste… il y a du mauvais à reprocher chaque geste parce que par peur de choquer, ces thèmes seront banis des films d’enfant et deviendront tabou. Au lieu d’etre Choquée, j’ai utilisé ce moment pour reparler de l’autoinjecte A mes enfants.

Jocelyne Lalonde February 16, 2018 at 17 h 45 min

Excellent texte, comme toujours. Il existe des milliers de sujets desquels il est bon de rire: nos maladresses, notre candeur devant certaines réalités, la politique et les bourdes des politiciens, bref, impossible d’en faire une liste exhaustive. Mais tout n’est pas sujet à plaisanterie, à commencer par ce qui cause de la souffrance, de la peur ou même pire.

Un film s’adressant à un jeune public ne devrait jamais transformer en farce ce qui est, pour certains, une question de vie et de mort. Cruel et totalement dénué de compassion pour une réalité déjà difficilement acceptable par ceux qui sont aux prises avec des allergies alimentaires.

Julie bolduc February 16, 2018 at 18 h 53 min

Excellent texte comme toujours. Je n’ai pas vu le film donc difficile pour moi de juger… ce qui m’inquiète le plus de ce que j’ai lu est lorsque le personnage se relève aussitôt en pleine forme après s’être administré l’epipen. Nous savons tous qu’après l’administration de l’epipen il y a encore des risques et qu’une surveillance medicale est nécessaire. Ce message erroné peut emmener la population à banaliser les allergies allimentaires. Particulièrement sur les conséquences que celle-ci peut donner. C’est frustrant pour tous ceux qui travaillent si fort pour conscientiser la population. Ceci dit, il y a d’autres sujets frustrant : les armes à feux aux USA, Trump, les pedophiles qui se disent normaux, la legalisation du pot et bien d’autres… donc est- ce que je m’offusque de cette situation? Non mais je n’irai pas voir le film!!!!

Jessica Ruccolo February 16, 2018 at 18 h 54 min

Il faudrait peut-être regarder ceci d’un angle différent… il est ici question de plusieurs actes visant à détruire l’autre dont l’électrocution. Les enfants savent que c’est dangereux et que ce n’est pas quelque chose qu’il est permis de faire. C’est quelque chose de mal. Élever la réaction allergique au niveau de quelque chose de mortel au même titre que les autres tentatives utilisées par les antagonistes est, somme toute il me semble, considérer l’allergie comme quelque chose de grave et que l’utiliser contre quelqu’un est tout aussi inadéquat que l’électrocution. Je n’ai pas vu le film encore, et je ne sais pas encore si je vais le visionner. Toutefois, les films, les histoires et tout le monde imaginaire est là pour mettre en scène l’interdit, pour démystifier et permettre de voir et comprendre ce qu’on ne peut pas faire dans la « vraie vie ». Je comprends que les allergies sont une corde sensible, j’ai moi-même une fille allergique. Je ne crois cependant pas que le débat que ce film engendre aide la cause.

Céline February 16, 2018 at 21 h 14 min

Je suis tout à fait d’accord avec votre position. Autant que les gens non allergiques se disant allergiques lors de soirées mondaines, pour éviter tel ou tel mets, nuisent au sérieux des réactions allergiques autant de rire indument des allergies alimentaires peut mener à la banalisation du danger potentiel. Pour ma part, je ne trouve pas cela drôle du tout et je crois que l’adage disant “Il vaut mieux en rire” n’est pas bienvenu quand on vit quotidiennement avec l’épée Damoclès au-dessus de la tête.

Leave a Comment