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Milk ladder : la gestion des risques

by Marie-Josée Bettez

Triste, triste nouvelle rapportée par le magazine Allergic Living : une fillette ontarienne de 9 ans qui suivait un programme de réintroduction progressive du lait (communément appelé « milk ladder ») est décédée le 20 mai 2021 des suites d’une réaction anaphylactique.

Allergique aux produits laitiers, l’enfant avait complété les six premiers mois d’un protocole recommandé par son allergologue qui consistait à consommer quotidiennement de petites quantités de l’aliment sous forme cuite, dans des muffins. Il s’agirait du premier décès causé par une telle réintroduction.

L’histoire est tragique et soulève d’importantes questions.

Quels sont les risques réels liés au protocole « milk ladder »? Ce décès devrait-il inquiéter les familles engagées dans un processus d’immunothérapie orale (ITO) qui implique également la consommation quotidienne de l’allergène?

Désensibilisation et réintroduction

Avant toute chose, il faut distinguer les deux processus, explique Dre Anne Des Roches, immunologue-allergologue pédiatre au CHU Sainte-Justine. « La désensibilisation (ITO) et la réintroduction (« milk ladder ») sont deux interventions complètement différentes, avec des risques différents, propres à chacune », indique-t-elle.

L’ITO est une forme de désensibilisation visant à traiter les allergies alimentaires. Elle consiste en l’ingestion quotidienne de l’aliment allergène (mesuré de façon précise) selon un calendrier débutant à des doses minimes (en-deçà du seuil de réactivité du patient) et progressant jusqu’à atteindre une portion normale de l’aliment. Ce traitement doit être réalisé sous stricte supervision médicale.

La réintroduction de type « milk ladder », de son côté, se fait par le patient, à son domicile. Contrairement à l’ITO, l’idée n’est pas de désensibiliser une personne allergique. C’est plutôt une façon de réintroduire le lait lorsqu’on croit que le patient n’y est plus allergique (sur la base de son histoire clinique ainsi que des résultats de tests cutanés et sanguins) et qu’on n’a pas accès à un plateau technique pour faire une provocation orale. On a également recours à ce protocole dans les cas de syndrôme d’entérocolite induite par les protéines alimentaires (SEIPA) puisqu’il n’y a pas de risque d’anaphylaxie.

« Il s’agit d’une pratique très courante, normalement jugée à faible risque si faite dans la bonne population » précise Dr Philippe Bégin, immunologue-allergologue et directeur de la Clinique d’immunothérapie orale du CHU Sainte-Justine.

Cela dit, le protocole « milk ladder » est contre-indiqué pour certains patients. « Ce n’est pas une technique appropriée pour un enfant encore allergique, indique Dre Des Roches. Surtout, ce n’est pas approprié pour passer de l’étape des aliments cuits contenant du lait à celle d’aliments concentrés ou frais. Cette étape doit être faite sous supervision médicale si les tests cutanés et/ou sanguins sont positifs. »

Une lourde responsabilité

Parce qu’il est moins structuré que l’ITO et qu’il ne fait pas l’objet d’une supervision médicale aussi serrée, le protocole « milk ladder » peut être lourd à appliquer pour les patients et leurs proches.

Dans le cas qui nous occupe, un ensemble de circonstances semblent avoir contribué au décès de la fillette : asthme non contrôlé, ingestion d’une pleine dose de l’allergène alors que l’enfant n’allait pas bien, retard à administrer l’épinéphrine, etc.

Y a-t-il une leçon à tirer de cette tragédie? « Peut-être faudrait-il que la réintroduction d’un allergène soit traitée avec le même niveau de rigueur et de précaution que l’ITO, c’est-à-dire qu’il y ait une prise régulière d’une quantité précise dans un environnement sécuritaire avec un accès à l’épinéphrine et que les patients reçoivent une formation formelle sur la gestion des doses et des réactions », suggère Dr Bégin.

Dans l’immédiat, Dr Bégin recommande aux patients et à leurs proches ébranlés par la nouvelle d’avoir une bonne discussion avec leur allergologue avant de changer quoi que ce soit à leur plan de traitement.

Pour en savoir plus : Girl with Milk Allergy Dies of Severe Reaction Related to Desensitization

Rédaction : décembre 2021

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