Désensibilisation : une lueur d’espoir

by Marie-Josée Bettez

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Depuis 2011, Félix-Antoine participe à une étude visant à mettre au point un traitement pour désensibiliser les personnes allergiques au lait de vache. Son histoire est une source d’espoir pour tous ceux et celles qui sont aux prises avec des allergies alimentaires.

Par Marie-France Fecteau et Pascal Bourque

Notre fils, Félix-Antoine, a treize ans et de multiples allergies alimentaires. À dix mois, il était allergique au lait, aux œufs, aux arachides, aux noix, aux graines de sésame, aux graines de tournesol et à la moutarde. Au cours des dernières années, il a perdu plusieurs allergies : les graines de tournesol, la moutarde, les noix et les œufs.

L’allergie au lait est définitivement la plus problématique. C’est celle qui le limite le plus dans son quotidien (sorties d’école, fêtes, tournois sportifs extérieurs, voyages scolaires et familiaux, restaurants, etc.). Tout doit être planifié et organisé. Les imprévus ne sont généralement pas les bienvenus… Nous avons donc appris à anticiper et à prévoir les problèmes potentiels.

Vivre avec les allergies

Depuis le diagnostic des allergies, notre ligne de pensée est demeurée la même : vivre pleinement le moment présent en contournant les obstacles et ce afin que notre fils ne se sente jamais limité, qu’il puisse profiter de tout ce que la vie a de beau à offrir.

Ce n’est pas toujours facile. Nous devons régulièrement user d’imagination et être déterminés pour y parvenir! Ainsi, nous vivons toutes sortes d’émotions, souvent positives mais parfois négatives. Demeurer optimiste face à cela demeure, à notre avis, aussi important.

C’est dans cette optique que, depuis quelques années, nous demeurons à l’affût des avancées médicales dans ce domaine. Félix-Antoine vieillit et porte un regard plus critique sur le sujet. Il dit ce qu’il ressent et ce qu’il pense. Avec son accord, nous avons donc effectué les démarches suivantes.

Nos démarches

En 2009, le Boston Children’s Hospital a effectué un essai clinique incluant 11 enfants allergiques au lait. Dans le cadre de cette étude, on a utilisé un médicament pour l’asthme (Xolair ou Omalizumab) afin de faciliter la désensibilisation à l’allergène. Nous avons contacté cet hôpital pour savoir si son personnel pouvait aider Félix-Antoine. Nous nous sommes rendus à Boston en septembre 2010. Nous avons rencontré un spécialiste qui nous a indiqué qu’il n’y avait aucun autre essai en cours et qu’il n’y avait aucun traitement.

Après ce déplacement, nous avons continué à suivre les publications relatives à cette étude. L’an dernier, nous avons constaté qu’une étude semblable mais de plus longue haleine avait débuté au Mount Sinai Hospital de New York (un autre volet de l’étude se déroule à l’hôpital John Hopkins à Baltimore).

En juin 2011, nous nous sommes rendus à New York avec Félix-Antoine afin de vérifier s’il était admissible au traitement expérimental. Il a dû se soumettre à quelques tests, notamment une prise de sang. Lorsque nous avons eu la confirmation qu’il pouvait participer à l’étude, nous avons demandé l’avis de notre allergologue de Québec. Évidemment, ce dernier a conservé une réserve professionnelle mais nous a tout de même indiqué que le médecin spécialiste en charge de cette étude, Dr Hugh Sampson, était une sommité dans son champ de pratique.

Déroulement de l’étude

L’étude se déroule sur un maximum de trois ans et nécessite un nombre important d’allers-retours à New York. Elle se divise en différentes phases. Pour le volet de New York, il y aura 56 participants. La moitié de ceux-ci recevront un placebo au lieu du Xolair.

La première journée consiste en une provocation au lait. La quantité est vraiment minime et la réaction n’a pas besoin d’être significative. On nous avait rassurés à cet égard : la procédure était effectuée selon une méthode hautement sécuritaire. Le lendemain, le participant reçoit sa première dose de Xolair/placebo. Selon son poids, le participant doit recevoir les injections suivantes de Xolair/placebo aux deux semaines ou au mois pendant quatre mois. Pour nous, c’était aux deux semaines. Nous avons donc effectué huit allers-retours à New York pour que Félix-Antoine reçoive ses injections. Avant d’entreprendre cette première étape, nous savions que tous les participants de l’étude qui avaient entrepris la phase de désensibilisation allaient bien jusque là.

En février dernier, la désensibilisation débute pour Félix-Antoine. Il faut savoir que, même durant cette phase, les injections de Xolair ou de placebo sont administrées au participant à chaque visite. Lors de cette première journée, il devait prendre six doses différentes de poudre de lait. Cette poudre est diluée dans un petit verre de jus. Les premières doses contiennent une quantité infime (invisible à l’œil) de poudre de lait. La dernière était de 6 mg. Il devait tolérer les six doses sans démontrer de réactions allergiques pour demeurer dans l’étude. Félix-Antoine affichait un calme impressionnant. Le tout s’est fort bien déroulé. Il faut souligner le professionnalisme, la gentillesse, le soutien constant et la grande disponibilité de l’équipe médicale. Nous sommes donc repartis avec les dosettes quotidiennes à donner à Félix-Antoine, soit la quantité de la sixième dose (6 mg).

Nous sommes retournés à New York après deux semaines. Cette fois, on avait prévu quatre augmentations de dose. Pour demeurer dans l’étude, Félix-Antoine devait tolérer, au minimum, la deuxième (25 mg). De façon surprenante, il a toléré toutes les quantités de poudre de lait sans aucune réaction. La dernière dose était de 75 mg. À la visite suivante, il nous a encore étonnés en tolérant le maximum de quatre augmentations pour atteindre 195 mg. D’ici quelques mois, un seuil minimum doit être atteint et cette dernière quantité sera celle retenue pour la troisième étape, celle de la maintenance. Cette troisième étape s’échelonnera sur dix-huit mois. C’est au cours de cette étape que les participants apprennent s’ils font partie du groupe placebo ou du groupe traitement (Xolair). L’étape suivante consiste à continuer graduellement la désensibilisation jusqu’à la guérison (prendre un verre de lait complet).

Au jour le jour

Félix-Antoine est heureux de participer à cette étude. Il est enthousiaste et montre énormément de courage. Cela en demande effectivement beaucoup! Pour l’instant, il est motivé et fier de pouvoir contribuer, à sa façon, à la recherche dans le domaine des allergies alimentaires. Il sait qu’à tout moment, il peut arrêter. Nous l’appuyons complètement, peu importe sa décision. Félix-Antoine a le soutien de sa famille, de ses amis et du personnel de son milieu scolaire. Heureusement, nous sommes bien entourés, ce qui est très important.

Notre décision de participer à une telle étude n’a pas été facile à prendre. C’est un bouleversement pour Félix-Antoine mais aussi pour les autres membres de la famille. Comme parents, nous devons aussi nous assurer du bien-être de nos deux autres enfants. La vie familiale ne doit pas tourner autour de New-York. C’est facile à dire mais malheureusement compliqué à mettre en pratique! Les aspects financiers et logistiques ont meublé les discussions de plusieurs soupers dans les premiers temps. Maintenant, nous avons appris à être plus discrets et à intégrer la participation de Félix-Antoine à l’horaire de la famille.

Avant de faire le grand saut, la difficulté principale était de déterminer s’il valait mieux attendre que les traitements soient offerts au Québec ou tenter d’obtenir un résultat plus rapidement. Lors de nos premières discussions avec la coordonnatrice de l’étude, nous avons été rassurés relativement à notre engagement. Notre participation peut cesser à tout moment. C’est dans cette optique que nous avons débuté l’étude. Un aller-retour à la fois. Outre la tolérance au Xolair, il y avait d’autres variables dans l’équation. Par exemple, notre fils débutait l’école secondaire en même temps. Heureusement, tout se passe bien de ce côté et nous n’avons pas eu à choisir entre les allergies et le volet académique.

Une décision très personnelle

En somme, comme Félix-Antoine n’a maintenant que trois allergies et que celle au lait est considérablement plus problématique, nous avons décidé d’aller de l’avant. Un « portefeuille » d’allergies différent aurait peut-être mené à une autre conclusion. C’est très personnel.

Dans un avenir rapproché, il n’y a rien à l’horizon au Québec pour aider les gens allergiques au lait. C’est loin d’être certain, mais, si l’étude fonctionne pour Félix-Antoine, son adolescence sera considérablement différente. Il gagnera en liberté. C’est le risque que nous prenons. Nous investissons temps et argent en nous disant que certaines années ne peuvent être récupérées. Évidemment, nous aurions aimé plus de certitude avant d’entreprendre un tel projet. Au moins, à date, tout se déroule très bien et nous sommes confiants.

Nous tenons à souligner l’important soutien financier de la Fondation Maurice Tanguay car notre participation à cette étude nécessite de nombreux déplacements à New York en avion. Nos déplacements se font généralement en une journée : départ tôt le matin et retour à l’heure du souper ou en soirée.

Nous partageons notre expérience dans l’unique but d’informer ceux et celles vivant avec des allergies alimentaires des avancées potentielles pour l’amélioration de leur condition. Pour la suite de cette expérience, nous vous tiendrons au courant… si bien sûr vous le souhaitez!

À propos des auteurs :
Marie-France Fecteau est psychologue et Pascal Bourque, MBA, est courtier en pharmacie. Ils ont trois enfants. Ensemble, ils se compliquent la vie afin de simplifier les allergies alimentaires!

Rédaction : mai 2012

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{ 13 commentaires }

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L. Maranda May 4, 2012 at 20 h 06 min

Merci de partager avec nous, c’est très intéressant, bravo à Félix-Antoine de se soumettre à cette étude. Pour les parents et toute la famille, c’est aussi beaucoup de bouleversements dans les activités quotidiennes, je reconnais et salue votre détermination! Pour notre part, c’est plutôt les allergies à l’oeuf que je trouve plus problématique pour ma fille mais si elle pouvait être ok pour le lait de vache ( protéines bovines en fait) ça serait déjà une grande chose. Grâce à vous, ça va peut-être accélérer les choses pour le Québec.
Merci à tous

Lynne May 5, 2012 at 11 h 31 min

Bon courage! Et merci de partager avec nous..Le stress familiale vécu pour nos enfants et nos parents, ainsi que les membres de la famille élargie, demande beaucoup d’énergie. Si on a une chance de diminuer la gravité et ainsi de soulager une partie de ce stress communautaire, tous s’en sortiront gagnants!
Les expériences étant si variées, c’est toujours ressourçant d’entendre des nouvelles qui portent espoir.
Merci et encore une fois..Bon courage!

Valérie Bertoldi May 5, 2012 at 11 h 34 min

Nous sommes québécois, mais vivons présentement en France. Notre fils a aussi plusieurs allergies sévères (lait, blé, œuf, arachides, noix, fruit de mer) et notre allergologue nous a fait mention de patchs (protéines de lait) qui sont disponibles dès l’âge de 5 ans. Si elles ne sont pas un remède définitif, elles aideraient à la désensibilisions et éviteraient les réactions sévères. J’attends l’an prochain pour plus de détail!

Puisque nous aimerions retourner au Québec, je me demande si ces patchs sont disponibles. Votre article arrive au bon moment!

Merci pour cet article intéressant et inspirant. Ça donne espoir qu’une solution est possible.

Marie-France Fecteau May 9, 2012 at 16 h 41 min

Un sincère merci à vous pour vos mots d’encouragements! Votre soutien apporte un réel réconfort! Je vous tiendrai au courant pour la suite de notre “aventure” ! Au plaisir, Marie-France

Centre d'appel May 24, 2012 at 7 h 00 min

Merci pour ce témoignage. C’est un vrai parcours du combattant, une aventure, une quête. Vous êtes admirables, vous dégagez un tel optimisme et Félix-Antoine est un amour! Courage, vous y êtes presque!
Manon

Diane Lafontaine May 27, 2012 at 21 h 38 min

Vrai qu’il faut du courage à nos enfants allergiques! Votre histoire me donne espoir. Ma fille est allergique au lait décelé depuis l’âge de 4 mois. Elle vient d’avoir 2 ans et c’est stressant de plus en plus car elle ne comprend pas pourquoi elle ne peut pas goûter à tout et dans un environnement de jeunes enfants, il y a du lait partout. J’espère que le résultat sera concluant! Merci de nous avoir parlé de ce projet de recherche.

Marie-France Fecteau May 30, 2012 at 12 h 28 min

Bonjour à tous! Merci à Diane et Manon pour vos bons mots! Il est vrai que toute cette histoire demande courage et détermination. Nous continuons toujours l’aventure et Félix-Antoine réussi à tolérer les nouvelles doses de lait à chaque rendez-vous. Il progresse tellement bien qu’il suit le protocole tel que souhaité. Au dernier rendez-vous, il a atteint le 1870 mg. Merci tellement de nous encourager, ça fait du bien!!!! :)))

À bientôt!

Marie-France Fecteau

Sandra Ouellet August 3, 2012 at 10 h 10 min

Bonjour !

Je suis la maman de Zoé qui a une allergie aux arachides (intolérance au lait disparue avec la prise de probiotique vers 3 ans et oeuf disparu à 2 ans) et de Maxime 3 ans qui a une allergie sévère au lait depuis sa naissance (oeuf disparu à 2 ans). Pour le moment, nous contrôlons tout et c’est relativement facile. Quoique l’on oublie les restos, les tout-inclus dans le sud en famille, le gardiennage occasionnel est plus compliqué et on anticipe la rentrée scolaire dans quelques années. Je trouve merveilleux les démarches que vous entrepreniez avec votre garçon. Je trouve quelque fois la médecine québécoise ne semble pas intéressée à poursuivre dans ce domaine. Je vais suivre assurémment votre expérience car je suis intéressée à en savoir plus. J’aimerais savoir entre ces rendez-vous, j’imagine qu’il doit continuer son régime habituel sans produits laitiers ou il peut prendre quelques aliments contenant des substances laitières ?

à bientôt

Sandra Ouellet

Solongo Pruneaux September 26, 2012 at 14 h 31 min

Bonjour,

je suis la maman d’un petit avec de nombreuses allergies telles que le lait, le blé, les oeufs, le boeuf, les poissons, le sésame parmi tant d’autres. Il a 11 mois et entre ses deux tests d’allergies, il n’y a eu aucune évolution. Mais on garde espoir, surtout lorsque je lis ici que quand même, même si certaines allergies restent, certaines partent avec le temps.

Nous sommes suivis au CHU Sainte-Justine à Montréal par une équipe de dermatologues et allergologues extrêmement compréhensifs. Et je voulais signaler qu’une étude sur les origines des allergies est en cours. Nous y avons participés, c’était pour vérifier un lien entre une molécule que les médecins trouvaient énormément dans le lait maternel des mamans de bébés eczémateux et allergiques et le développement de ces pathologies. Donc le Québec ne fait pas rien en matière d’études sur les allergies!

En tout cas, bon courage à vous toutes et à vos enfants! Bon courage à Félix-Antoine surtout, son histoire m’a beaucoup touchée!

Solongo

Sonia Hébert October 12, 2012 at 20 h 23 min

Bonjour,

J’ai 56 ans et je suis devenu allergique à plusieurs aliments donc, la protéine bovine ainsi que des allergies respiratoire. Mon médecin m’a inscrite au traitement par Xolair car j’ai des crises d’asthmes importantes lors de réactions allergiques. Je n’ai pas débuté le traitement et je suis un peu inquiète des effets secondaires et du résultat. J’ai beaucoup lu sur le sujet et les opinions sont très partagées.

Je voudrais vous remercier pour toutes les informations que votre site me procure. Plusieurs fois après avoir lu vos articles j’ai compris pourquoi j’avais tel ou tel réactions.

Merci

lucie Tremblay December 2, 2012 at 16 h 32 min

moi j’ai un garçon en âge d’avoir des enfants. j’aimerais bien savoir si les allergies sont transférées à l’enfant. Je ne sais pas encore s’il y a des statistiques concernant cet état.
Quand on est allergique encore à 20 ans au lait , oeuf, fruits de mer, arachides et que la conjointe l’est au légumineuses et noix , il y a quoi à s’interroger si l’enfant à naître sera plus allergique encore.
merci
salucie1@hotmail.com

Jia April 16, 2013 at 22 h 53 min

Très bel article. Je suis tout comme Félix-Antoine allergique aux produits laitiers qui, en petite dose, peuvent mener à un choc anaphylactique mortel. Très jeune, j’avais l’espoir que cette dernière disparaîtrait un jour, mais ce ne fut pas le cas. Âgée de 21 ans aujourd’hui, je suis toujours allergique au lait, mais on apprend à vivre avec et d’aller de l’avant malgré cela.

Hélène duchesneau April 16, 2014 at 12 h 51 min

Bonjour, mon fils est allergique au lait, entre autre. Je me demandais, une année plus tard, comment allait Félix-Antoine?

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