Par Marie-Claude Perron
J’ai toujours aimé voyager. J’ai toujours voyagé… puis j’ai eu mon deuxième enfant.
Voyager avec des enfants est un défi en soi. Mais avec un enfant allergique, entre autres, au lait, au bœuf et aux œufs… le défi est plus grand encore.
J’ai la chance d’avoir une belle-famille en Europe à qui nous rendions visite annuellement. Mais les voyages n’étaient plus les mêmes. Nous nous limitions à notre pied-à-terre. Terminées les escapades dans des pays qui requièrent une liste de vaccins aussi longue que la liste d’épicerie. Terminées les chambres à la propreté un peu douteuse, faute de réservation ou de budget dans des pays où on n’a pas besoin de couvertures de toute façon. Terminés les festins à 1$ au petit boui-boui du Thaïlandais ratatiné et souriant au coin de la rue.
Terminée l’aventure, terminé le plaisir pour moi.
Le grand saut
Deux années, presque trois ont passé. Le stress et l’angoisse, l’envie, la nostalgie et la résignation se sont installés dans un quotidien que les parents d’enfants allergiques connaissent bien, limité par nos contraintes alimentaires.
Mais je continuais de rêver. Puis, mon cœur et ma tête ont eu un instant de synchronisme étonnant lorsque l’occasion de sortir de ma zone de confort (aussi inconfortable soit-elle) s’est présentée sous la forme de l’anniversaire de mon conjoint qui souhaitait revivre un voyage à vélo avec moi et nos deux enfants dans le Cuba rural de ses souvenirs. Mon cœur a dit « oui, je le veux » et les mots sont sortis de ma bouche.
Oups! Trop tard.
Nous étions mûrs. Après tout, nous affrontions le danger tous les jours et nous le faisions bien! Nous avions l’expérience de plusieurs fêtes d’enfants pour le moins dangereuses, avions côtoyé à maintes reprises des Espagnols avides d’arachides avant chaque repas et jamais rassasiés d’omelettes aux pommes de terre. Choisir ce qu’on mange, le cuisiner et le manger entre nous ne devrait pas trop causer de problèmes, me suis-je dit.
Adapter son voyage à ses contraintes
Pour une professionnelle de la réadaptation comme moi, il était temps d’appliquer à mon désir de revivre la grande aventure les principes que j’ai prêchés pendant plusieurs années, c’est-à-dire tendre vers le fait que tout est possible si on accepte de trouver des solutions pour faire les choses autrement.
Nous sommes partis de ce principe pour la planification de notre voyage et avons donc adapté celui-ci à nos contraintes. Et des contraintes, nous en avions plusieurs : un espace très limité en raison des sacoches de vélo peu volumineuses, un poids à respecter en fonction de la franchise bagage usuelle, une mère anxieuse (moi) et la dernière mais non la moindre : les allergies alimentaires de notre plus jeune fils.
En plus de ses allergies confirmées aux produits laitiers, au bœuf et aux œufs, nous soupçonnions des allergies à l’ananas, aux arachides et à divers poissons (nous sommes toujours en attente de tests pour ces aliments). Mes craintes faisaient par ailleurs en sorte que nous n’avions pas encore introduit plusieurs allergènes principaux. Nous nous privions donc de plusieurs autres aliments. Un combat à la fois!
Malgré toutes ces contraintes, nous avions encore de la détermination pour une armée.
Cela dit, les jours précédant le départ, je me suis sérieusement mise à douter, à m’en vouloir, à ne plus dormir. Les doutes et les embûches se sont multipliés et j’ai réellement frôlé la crise de panique. Pour m’encourager, je me répétais ad nauseam une phrase entendue peu de temps auparavant : le plus dur c’est d’oser, le reste se fait tout seul!
Pour se respecter dans nos différents niveaux de confort et de désir d’aventure, mon conjoint et moi avons dû faire des choix, le premier étant de cuisiner tous les repas de notre fils. Nous avons donc apporté le matériel nécessaire à la préparation des repas pour être autonomes en toutes circonstances, au cas où nous ne trouverions pas de chambre avec cuisinette. Un autre choix important fut de rayonner autour d’une ville centrale à vélo plutôt que d’aller de ville en ville comme à notre habitude. Nous avons opté pour une ville située à une distance raisonnable d’un hôpital compte tenu de notre moyen de transport peu rapide en cas d’urgence. Ces compromis nous ont permis de trouver un juste équilibre entre l’aventure et la sécurité.
Un menu bien planifié
Pour réussir une telle aventure, il est nécessaire de faire une liste détaillée de ce dont vous aurez besoin pour nourrir votre progéniture durant la totalité ou une partie de votre séjour, selon votre choix.
De notre côté, nous comptions nous approvisionner en fruits et légumes frais quotidiennement et peut-être avoir la chance de trouver une boucherie pour un peu de viande ou de volaille. Dans un pays où les habitants sont rationnés, ont très peu de moyens et font beaucoup de troc alimentaire entre eux, il est difficile de trouver des épiceries telles que nous les connaissons. Sachant qu’il nous faudrait acheter le poulet vivant à un paysan, nous avons abandonné l’achat local de viande. Heureusement, nous avions suffisamment de protéines pour être autonomes pour la durée totale du séjour, même si une petite poitrine de poulet grillé aurait apporté un peu de nouveauté au menu « tablette » déjà établi.
Il vous faudra tenir compte évidemment des allergies, de l’âge, de l’appétit et des goûts de votre enfant pour lui faire un menu qui lui convient. Évidemment, respecter un menu si bien planifié implique un certain rationnement quotidien. Pas question, pour le reste de la famille, de piger dans les réserves pour assouvir une fringale de fin de soirée… ou alors, il faut prévoir des provisions additionnelles en conséquence. Nous avions quelques collations par jour pour notre fils, le reste devait être comblé par les achats locaux. Pour les breuvages, l’eau et la boisson gazeuse locale nous ont bien dépannés, au grand plaisir de fiston.
Pour vous donner une idée, voici notre menu pour 14 jours (28 repas et 14 déjeuners):
Et voici la liste de nos collations:
À bord de l’avion
En règle générale, il est permis d’apporter à bord de l’avion de la nourriture commerciale sèche. Dans vos bagages en soute, vous pouvez aussi transporter des boîtes de conserve commerciales scellées et certains fruits et légumes frais. En effet, selon le pays visité et le pays de départ, certains fruits et légumes peuvent être autorisés, mais pour savoir si ce que vous comptez apporter est permis, une visite sur le site Internet des services d’immigration du pays visité s’impose. Les règles imposées par les États-Unis sont particulièrement strictes à cet égard : les fruits et légumes frais doivent porter l’autocollant indiquant l’origine ou être dans leur emballage original (raisins par exemple). Comme les règles changent souvent, nous préférons nous abstenir d’apporter des fruits et légumes frais, d’autant plus qu’il s’agit certainement des aliments les plus faciles à se procurer dans plusieurs pays.
Pour vos bagages de cabine, les repas et breuvages pour votre enfant sont autorisés avec les réserves suivantes : il faut savoir que pour les enfants de moins de deux ans, la limite de 100 ml pour les liquides en cabine ne s’applique pas pour le repas que vous apportez à bord de l’avion (que l’enfant soit allergique ou non). Par ailleurs, passé cet âge, l’agent pourrait refuser les liquides à bord de l’avion pour votre enfant allergique sans justification médicale. Cela nous est arrivé lors du dernier périple. Je me suis armée de mon plus beau sourire et de tous les papiers pertinents et le superviseur a finalement accepté notre requête.
Une cuisine bien équipée
Ainsi que je l’ai mentionné précédemment, il était important pour nous d’être autonomes peu importe notre lieu de résidence, ce qui impliquait d’avoir en main tous les ustensiles et accessoires pour préparer les repas de fiston.
Les éléments indispensables :
- Un rond électrique pour la cuisson des aliments. Certes, le rond électrique nous rend dépendant d’une source d’électricité, mais puisqu’il est interdit de transporter en avion des bombonnes pour les réchauds à gaz (même en soute) et que l’approvisionnement sur place est plus qu’incertain, cela reste le meilleur compromis selon nous.
- Un adaptateur et/ou convertisseur pour brancher votre réchaud, selon le pays visité. Faire une prière pour ne pas que le réchaud « explose » chaque fois que vous le branchez ne peut certainement pas nuire non plus…
- Une gamelle tout-en-un contenant chaudron, poêlon, assiettes, bols et verres (comme celle-ci).
- Du savon à vaisselle : si vous voyagez dans un pays non occidentalisé, il est préférable d’en apporter (au moins une petite quantité) pour éviter de le chercher puisque vous en aurez besoin dès le premier jour.
- Deux linges à vaisselle : un pour déposer votre vaisselle propre (veillez à le déposer toujours du même côté si vous ne pouvez le laver régulièrement) et l’autre pour essuyer.
- Une éponge à récurer dans un étui à savon ou un sac hermétique pour éviter la contamination.
- Quelques ustensiles utiles pour préparer vos repas : un ouvre-boîte, un couteau économe, un épluche-légumes, une planche à découper et un fouet.
- Deux contenants de plastique vides ou plus pour vos restants, ce qui vous permet de préparer deux ou trois portions à la fois et vous évite de cuisiner à chaque repas.
- Des sacs hermétiques vides pour vos restes de fruits et légumes ou autres.
Des surprises
Tout voyage a son lot de surprises et nous n’avons pas été épargnés! Une nouvelle allergie s’est même manifestée. Ce ne fut pas une réaction grave (comme souvent les premières fois) mais elle n’augure rien de bon pour les suivantes. Nous avons surveillé et géré en conséquence. Nous savions d’avance où était la clinique (c’est-à-dire pas loin) et avions notre pharmacie réglementaire. Heureusement, il n’a pas été nécessaire d’aller à l’urgence. Ouf!
Quelques conseils utiles
- Une planification et une organisation au poil : rédiger des listes. Calculer les denrées nécessaires selon le nombre de jours de voyage. Prévoir les endroits où vous irez, les choisir en fonction du mode de transport et de la proximité relative des soins de santé. Si vous vous déplacez en voiture, le rayon peut être plus grand, mais si vous utilisez l’autobus, je suggère un hôpital dans la ville où vous vous trouvez.
- L’avion : c’est une partie du voyage qui cause des maux de tête à plusieurs, et c’est peut-être ce qui m’inquiète le plus puisque c’est l’endroit où j’ai le moins de contrôle. Une réaction grave en vase clos me fait appréhender chaque vol. Mais encore là, une bonne organisation nous a permis de voler une dizaine de fois avec fiston sans problème. À noter que même si les « règles » sont en gros les mêmes d’un aéroport ou d’un transporteur aérien à l’autre pour le transport de la nourriture, des liquides et des médicaments en cabine, nous sommes TOUJOURS tributaires du/des agents de sécurité en service ce jour-là. Ces principes sont appliqués de façon particulièrement stricte dans certains aéroports. Il est donc de mise d’avoir avec soi un document stipulant l’usage requis de votre injecteur d’épinéphrine signé par un professionnel. Aucun document officiel n’est préférable à un autre. Les cliniques santé-voyage ont parfois des exemplaires maison, sinon on trouve sur le site de l’Association québécoise des allergies alimentaires un formulaire à imprimer et faire signer par son professionnel. Il est aussi préférable de conserver l’étiquette de prescription sur chacun de vos auto-injecteurs, puisque, même si c’est rarement le cas, il peut arriver qu’on l’exige.
Lien utile : sécurité et bagages dans les aéroports de Montréal
- Évidemment, n’introduire sur place aucun nouvel aliment (ou aliment pour lequel subsiste un doute). Entre mon conjoint et moi, il y a eu un problème de communication à cet égard : chacun croyait que l’autre avait déjà donné de l’ananas à notre fils. Résultat : se rendre compte à Cuba qu’il est vraisemblablement allergique à cet aliment…
- Nous avons complété nos vacances dans un établissement de type tout-inclus. Personnellement, je ne recommande pas les buffets aux personnes allergiques. Les risques de contamination croisée sont omniprésents étant donné le nombre d’employés qui préparent et disposent les mets ainsi que la rapidité d’exécution requise pour la réalisation et le remplacement de dizaines de plats. Nous étions sur le point de verser un verre de jus d’orange frais pressé mécaniquement à notre fils quand j’ai vu l’employé remplir la machine à oranges… juste après avoir replacé les cabarets voisins de fromage et d’œufs à la coque!
- Ne pas s’oublier! Je parle d’expérience : à vouloir tout prévoir pour mon petit loup, j’en ai oublié mes propres allergies, ce qui m’a fait passer un mauvais quart d’heure après une balade en calèche, moi qui suis gravement allergique aux chevaux. Sans parler de la turista pour laquelle j’avais prévu des antibiotiques pour chacun de mes enfants mais pas pour moi!
- L’univers des allergies est un monde, tout comme celui du voyage. Si vous n’avez jamais voyagé hors des sentiers battus, il n’est pas judicieux de choisir, comme première destination, un voyage d’aventure avec un enfant allergique. Il est davantage conseillé d’opter pour une destination plus accessible, où vous pourrez trouver vos repères facilement.
Oser
J’ai fait une crevaison avant même de quitter l’aéroport, cohabité avec un gecko comme dans le bon vieux temps, combattu une turista, fait du vélo le vent de face à en pleurer de découragement, presque demandé la charité pour dormir et supporté mes enfants épuisés mais heureux de tant de jeux dans les vagues… vraiment, le plus difficile fut d’oser, le reste s’est fait tout seul.
Ce qui est merveilleux avec le voyage, c’est qu’il vous fait découvrir des coins du globe plus beaux que dans vos rêves et qu’il vous fait le même effet à l’âme. Il vous fait voyager au plus profond de vous-même, vous fait visiter vos peurs, vos angoisses certes, mais vous fait aussi voir à quel point vous êtes forte, déterminée et résiliente dans l’épreuve. Vous en revenez plein d’images dans la tête et de souvenirs dans le cœur et gonflée de fierté. Une fierté que vous partagez ensuite sur un site Web comme celui-ci, lu par des personnes qui sont comme vous, pour leur donner l’espoir que tout est possible quand on se le permet.
Toutes les photos ont été prises lors du voyage de Marie-Claude et de sa famille.
Voyageuse aguerrie, Marie-Claude Perron est physiothérapeute de profession et maman de deux bouts de choux. Son plus jeune enfant est allergique à plusieurs aliments.
Rédaction : juillet 2015
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