De bébé tourmenté à adolescente radieuse, voici le difficile parcours de Catherine raconté avec beaucoup d’amour par sa mère, Brigitte.
Par Brigitte Lucas
J’aimerais vous raconter une histoire, celle de ma famille et de ma fille, Catherine. J’aimerais vous expliquer comment notre vie et notre alimentation ont changé à la naissance de Catherine. Comment la nourriture est devenue notre pire ennemie.
Les premières années
Tout a commencé alors Catherine n’était encore qu’un petit bébé. Sans doute réagissait-elle à ce que je mangeais, car je l’ai allaité pendant environ un an. Par moments, sa peau devenait très rouge, elle pleurait beaucoup et se grattait partout…
Le médecin disait que Catherine faisait ses dents ou qu’elle avait des coliques. Lorsque j’ai commencé à lui donner des aliments solides, les choses ont empiré. Je lui servais des céréales avec une préparation pour nourrissons à base de lait de vache. Elle vomissait tout le temps et sa peau était de plus en plus rouge. Nous avons conclu qu’elle souffrait d’une allergie alimentaire. Nous n’étions pas vraiment dans l’inconnu car mon mari a, lui aussi, des allergies. Donc, après avoir consulté le médecin de Catherine, nous avons remplacé son lait par une préparation à base de soya et les choses se sont un peu calmées…
Au cours des années qui ont suivi, Catherine a tout de même été très, très malade. Elle a été hospitalisée plusieurs fois à cause de son asthme ou parce qu’elle était déshydratée. Elle vomissait à tout bout de champ, elle avait de l’eczéma à en pleurer, elle était en feu et son corps était couvert de plaies.
Et nous marchions sur des œufs avec les allergies. J’avais une peur bleue de lui donner un aliment auquel elle réagirait. Catherine était très chétive et, bien sûr, sa condition médicale avait un impact négatif sur son caractère : elle était toujours en pleurs, elle criait, faisait des crises de rage pour tout, se roulait par terre…
Aujourd’hui je comprends pourquoi elle se comportait ainsi. Mais, à cette époque, avec un autre bébé sur les bras, franchement, c’était l’enfer.
Un lourd diagnostic
Catherine est allergique aux noix, aux arachides, aux produits laitiers, aux fruits de mer, à certaines légumineuses, aux graines de sésame et aux kiwis. Elle est également allergique au pollen, à certains arbres, aux chiens et aux chats.
Bien sûr, elle ne risque pas de mourir si elle prend un chat dans ses bras. Par contre, elle pourrait être très malade si elle consommait des produits laitiers. Surtout – et c’est ce qui est le plus inquiétant et le plus difficile à vivre – elle pourrait mourir au contact d’une arachide ou d’une noix (peu importe laquelle).
Elle ne réagit pas seulement lorsqu’elle mange des aliments auxquels elle est allergique. Elle réagit également, et de façon marquée, à leur contact. Ainsi, si elle touche à une noix par mégarde, sa peau se met aussitôt à enfler. Même chose pour les produits laitiers.
Le médecin de Catherine disait qu’elle serait moins allergique aux produits laitiers en vieillissant. Ça ne s’est malheureusement pas passé ainsi.
Elle mange quoi???
Souvent, en présence de Catherine, les gens s’exclament : « Ah mon Dieu, mais tu manges quoi ??? » C’est certain que ce n’est pas évident, pour des gens qui ne sont pas touchés par un tel handicap, d’imaginer des solutions de rechange.
Heureusement que je cuisine beaucoup et que j’ai de l’imagination! J’ai une formation de chef, donc c’est sans doute un peu plus facile pour moi. En outre, j’ai la chance de pouvoir rester à la maison. J’ai donc le temps de cuisiner.
Ma maison est sécuritaire, je sais quoi faire et quels produits utiliser. Je dois toutefois demeurer très vigilante et lire, à chaque fois, les étiquettes des produits. On ne sait jamais : même si cela fait des années que nous achetons les mêmes biscuits soda, rien n’empêche le fabricant de décider, une bonne journée, d’ajouter du lait à sa recette… Faire l’épicerie, cela prend un temps fou!
C’est super qu’il y ait de nos jours des entreprises qui confectionnent des desserts sans noix ni arachides. Sauf que cela ne change pas grand-chose pour nous puisque la plupart de ces desserts contiennent des produits laitiers.
En tout cas, ma fille est en sécurité à la maison et nous mangeons super bien sans aucun allergène !!!! Ses lunchs pour l’école sont toujours faits à la maison, eux aussi. Je préfère les préparer, même si l’école est sensibilisée à ce problème et même s’il y a, à la cafétéria, des repas convenant aux élèves allergiques.
Par contre, c’est très difficile pour nous d’être reçus. Les gens ont peur. Souvent, c’est moi qui me charge de fournir le repas de Catherine. Et les voyages, c’est l’enfer! Trois repas par jour préparés par quelqu’un d’autre à qui il faut faire confiance. Car tout se passe dans une autre cuisine que la mienne et je dois me fier à des étrangers sans être certaine que ceux-ci saisissent bien l’ampleur des allergies de ma fille.
Au restaurant
Catherine a déjà fait une très grave réaction allergique dans un restaurant. Il s’agissait d’un restaurant que nous connaissions bien puisque nous le fréquentions depuis des années mais ce soir-là, il y avait un nouveau chef. Ce dernier avait décidé de remplacer le pain habituel par un pain contenant des noix, sans prévenir qui que ce soit.
Ma fille a failli mourir. Elle a été conduite à l’hôpital en ambulance. Cela n’a pas pris plus de cinq minutes. À l’urgence, on nous a dit que si nous avions attendu deux minutes de plus pour contacter le 911, Catherine n’aurait pas survécu à cette réaction, malgré l’Epipen.
Une fois Catherine hors de danger, l’urgentologue est venue me voir. Elle m’a expliqué que la majorité des patients admis à l’urgence à la suite d’une réaction allergique étaient soit des adolescents qui, sous l’influence de l’alcool ou de drogues ne tenaient plus compte de leurs allergies, soit des enfants dont les parents étaient devenus trop confiants avec le temps.
Ça fait réfléchir…
Une épée de Damoclès
Les allergies de Catherine compliquent sa vie, c’est certain. C’est parfois difficile pour elle, avec ses amis, à l’école, dans les fêtes… Il y a certaines choses qu’elle ne peut faire comme les autres jeunes de son âge. En gros, elle s’en sort bien mais il reste toujours comme une épée de Damoclès.
Cela n’est pas toujours facile non plus pour la petite sœur de Catherine, qui a souvent eu très peur de la perdre et qui ne comprenait pas toujours ce qui lui arrivait. Pas évident non plus d’accepter que, la majorité du temps, la vie tourne autour de Catherine. Néanmoins, Catherine a une petite sœur merveilleuse qui accepte avec grand bonheur de manger comme elle.
Seize ans plus tard
Catherine a maintenant 16 ans. C’est une très belle adolescente, bien en vie, très responsable et soucieuse de sa santé.
Elle fait de plus en plus de sport. Son asthme est moins grave. Mais c’est quand même plus compliqué pour elle au printemps et à l’automne. Elle doit alors prendre des médicaments pour ne pas éternuer et se moucher sans arrêt.
Sa peau demeure fragile. Elle doit en prendre soin sans relâche, de la tête aux pieds. Sa peau est si sèche que si elle se laisse aller et n’applique pas de crème pendant deux jours, c’est la sécheresse totale. C’est fou!
Elle sait depuis son plus jeune âge que ses allergies alimentaires sont mortelles et qu’il en sera probablement toujours ainsi.
Depuis qu’elle est toute petite, je lui répète qu’elle peut être heureuse quand même, que cela aurait pu être bien pire. Je lui dis qu’un jour, elle pourra sûrement aider quelqu’un à surmonter cette épreuve et qu’elle ne doit pas en vouloir à la vie à cause de cela. C’est un défi qu’elle se doit d’affronter avec courage et confiance. Car si elle est prudente, et je dis bien TOUJOURS prudente, Catherine peut mener une vie PRESQUE normale.
Merci de m’avoir lue. Si je peux aider quelqu’un, cela me fera plaisir. J’ai des conseils culinaires à partager et du courage à revendre!
Dernière révision : novembre 2011
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