Par Marie-Josée Bettez
Je l’avoue tout de go : j’ai beaucoup de mal avec les discours alarmistes, hargneux et négatifs. Ceux qui ont pour effet de tout peindre en noir et de décourager. Ceux qui font de nous des victimes.
Pareils propos, lorsqu’ils portent sur les allergies alimentaires et se focalisent sans nuances sur tout ce qui rend notre vie difficile, me hérissent particulièrement, notamment à cause de l’impact négatif qu’ils ont sur les plus vulnérables d’entre nous.
On peut convenir du fait qu’en 2014, vivre avec des allergies alimentaires continue de poser plusieurs défis. Néanmoins, mes quelques 15 années de navigation dans ces eaux troubles me permettent d’affirmer que, loin de se dégrader, la situation des personnes allergiques s’est en réalité grandement améliorée au fil des ans.
L’épreuve des faits
Des exemples?
- L’offre de produits alimentaires « sans » a explosé
- Les ressources se sont multipliées
- Les règles d’étiquetage des allergènes ont été bonifiées
- La population non allergique saisit (un peu) mieux notre réalité
- Les perspectives pour un éventuel traitement sont meilleures que jamais
C’est peut-être difficile à croire mais lorsque mon fils (allergique, entre autres, aux produits laitiers, œufs, arachides et noix) était encore petit, je ne parvenais pas à trouver une seule marque de chocolat convenant à son régime. C’est grâce aux Aliments Ange-Gardien et à Enjoy Life que, vers l’âge de dix ans, il a enfin pu en déguster, en toute sécurité.
Au Québec et ailleurs, un grand nombre d’entreprises se spécialisant dans les produits « sans » ont vu le jour au cours des dernières années. Plusieurs de ces petites et moyennes entreprises ont été créées par des parents d’enfants allergiques ou des personnes elles-mêmes aux prises avec des allergies alimentaires. Et, parce que nous représentons un marché significatif et en croissance, de grandes marques ont fini par emboîter le pas.
Il y a aussi de plus en plus d’épiceries spécialisées. Et c’est sans parler des supermarchés traditionnels qui accordent plus d’espace sur leurs tablettes aux produits nous ciblant.
Du côté de la restauration, l’évolution est plus lente mais réelle.
Nous pleurons encore la fermeture du restaurant montréalais Zéro8 (et continuons de prier pour sa réouverture) mais il y a tout de même lieu de se réjouir des menus « sans » de divers restaurants (Pacini et Cosmos, entre autres). Une autre initiative qui fait plaisir : EpiPen et Restaurants Canada (une organisation qui regroupe 30 000 restaurants et autres commerces appartenant à l’industrie des services alimentaires) ont conclu un partenariat en vertu duquel les restaurants membres peuvent se procurer des auto-injecteurs d’adrénaline, une trousse d’urgence murale et divers documents d’information. Cela démontre, me semble-t-il, une préoccupation réelle à l’endroit de la clientèle allergique. Les membres de Restaurants Canada ont d’ailleurs classé la cuisine sans gluten ni autres allergènes au premier rang des tendances en 2014.
Il y a 15 ans, lorsque les premières allergies de mon fils ont été diagnostiquées, je me sentais très isolée. Je cherchais des outils et de l’information pour mieux faire face à cette nouvelle réalité. J’en trouvais peu et rarement en français. C’est ce qui m’a amenée à rédiger, avec mon amoureux, notre livre Déjouer les allergies alimentaires.
D’autres livres en français ont été publiés depuis. De nouveaux sites Web sont apparus. Les médias sociaux, qui favorisent un dialogue constant, contribuent à briser l’isolement. On y trouve des communautés tissées serrées, dynamiques et généreuses.
Il y a plus de conférences, plus de formations, plus d’activités de toutes sortes. Le premier salon québécois des allergies a été tenu en 2013. Il a remporté un franc succès (de nouvelles éditions de ce salon sont prévues en 2014).
Il y a également plus d’accessoires pour nous faciliter la vie : de jolis étuis pour auto-injecteurs, des bracelets médicaux ludiques pour les enfants, etc. Mon fils, qui a trimballé pendant des années un étui dodu plutôt encombrant, apprécie grandement les versions plus discrètes disponibles actuellement. La qualité de vie dépend aussi de ces détails (qui n’en sont pas vraiment).
Les nouvelles normes entrées en vigueur en 2012 ont grandement simplifié le décryptage des étiquettes des aliments préemballés. Elles imposent notamment aux fabricants et aux importateurs canadiens l’obligation de désigner les allergènes prioritaires et le gluten par leur nom courant. Finis le jargon incompréhensible et les longues listes de mots-clés qu’il nous fallait traîner à l’épicerie!
On ne peut nier que de grands efforts de sensibilisation et d’éducation ont été faits au cours de la dernière décennie. Les médias traditionnels s’intéressent davantage aux allergies alimentaires et, malgré quelques dérapages, ils le font en général assez bien.
La communauté allergique, grâce entre autres aux possibilités que lui offre Internet, se mobilise plus aisément. Il faut dire aussi qu’avec l’augmentation de la prévalence des allergies alimentaires, notre importance démographique a augmenté. Ce n’est pas, en soit, une bonne nouvelle mais il reste que cela nous donne plus de poids lors des débats. Il est plus facile de faire entendre notre voix. Et nous ne nous en privons pas.
Plusieurs pistes sont activement explorées, un peu partout à travers le monde, pour traiter les allergies alimentaires (ou, du moins, favoriser une meilleure tolérance à l’égard des allergènes). La désensibilisation orale semble particulièrement prometteuse mais ce n’est pas la seule voie possible. Nous avons d’excellentes raisons d’être optimistes.
La journée québécoise des allergies alimentaires
C’est en pensant à tout ce qui précède que, le 21 mars dernier (journée québécoise des allergies alimentaires), j’ai levé mon verre et porté un toast au chemin parcouru en 15 ans.
Bien sûr, plusieurs grandes batailles restent à mener. Au Québec, l’une des plus importantes a trait à l’adoption d’une politique de gestion de l’anaphylaxie et de l’asthme dans les écoles. Et puis il y a toutes ces petites (mais épuisantes) luttes quotidiennes contre l’intransigeance et l’agacement de ceux et celles (qui font parfois partie de nos familles) qui ne comprennent pas.
L’idée n’est pas de se mettre la tête dans le sable mais de célébrer nos gains et de reconnaître que notre qualité de vie s’est collectivement bonifiée avec le temps.
Et vous savez quoi? Les combats qui restent, nous allons les mener ensemble. Dans les sphères publique et privée. Parce que nous avons ce pouvoir et que nous ne sommes pas des victimes.
Pour mon fils et pour tous les autres enfants allergiques, pour vous et pour moi, je choisis la lumière et l’espoir.
Rédactrice en chef du site dejouerlesallergies.com depuis 2003, Marie-Josée Bettez a publié deux livres, dont le best-seller Déjouer les allergies alimentaires. Elle donne régulièrement des conférences et formations sur la gestion des allergies alimentaires à la maison et en milieu de garde. En savoir plus >>.
Rédaction : mars 2014
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